Grimper solide : l’estime de soi ou travailler son mental en escalade

En escalade, notre corps est mis à l’épreuve, mais notre mental l’est tout autant. Et parmi les enjeux psychologiques les plus fréquents, l’estime de soi tient une place centrale. Elle influence notre confiance à essayer des voies plus dures, notre capacité à chuter, notre persévérance… mais aussi la manière dont on se positionne par rapport aux autres.

C’est particulièrement visible lorsque l’on grimpe avec des personnes qui n’ont pas le même niveau que nous. Au fil de mes expériences avec différents partenaires, j’ai remarqué que le regard que je portais sur moi-même variait en fonction de leur performance. C’est inévitable : je me compare toujours. Mais ce n’est sûrement pas le seul facteur. Notre humeur, notre énergie, notre cycle menstruel ou encore notre réussite d’une séance à l’autre influencent aussi notre ressenti.

Alors, que faire lorsqu’on se sent « moins bon·ne » que les autres ? Et finalement, est-ce si terrible de grimper avec des personnes moins expérimentées ? Et si, au lieu de se comparer, on retournait la perspective ?

L’effet miroir de la comparaison

Que l’on grimpe avec des personnes plus ou moins expérimentées, la comparaison est presque inévitable. Elle peut nourrir des pensées comme : « Je bloque dans cette voie facile alors qu’iel l’a enchaînée à vue », « J’espère que je ne l’ennuie pas avec mes essais », ou encore « Je n’ose pas proposer une voie plus facile, j’ai peur de tirer le groupe vers le bas ».

Ces pensées, souvent silencieuses, peuvent devenir de véritables freins. Elles nous retiennent d’essayer, nous font perdre confiance et nous poussent à nous auto-évaluer sans nuances. Pourtant, en prendre conscience est déjà un premier pas vers la transformation. Le niveau d’escalade ne détermine pas notre valeur, ni ce que nous apportons à une session.

Grimper avec des personnes moins avancées : élargir son regard

Grimper avec des personnes qui ont un niveau inférieur au nôtre peut sembler ralentir une séance, mais c’est en réalité une formidable opportunité de progresser autrement. En observant leurs essais, on apprend à décrypter ce qui rend une séquence difficile, à identifier des points clés comme le placement, le rythme ou l’hésitation. On comprend mieux les erreurs classiques, comme manquer une prise importante, oublier de regarder ses pieds ou mal respirer. On peut aussi tester sa propre lecture de la voie et la comparer à celle des autres. L’erreur devient alors une véritable ressource.

Ce qui est particulièrement intéressant, c’est de constater à quel point la lecture de voie varie d’une personne à l’autre. Le gabarit, la force, la souplesse ou encore la confiance du moment influencent directement les choix de mouvements. Parfois, une personne avec moins de force brute trouvera une méthode plus subtile et plus technique. Une personne plus petite devra inventer une séquence complètement différente de celle que nous aurions imaginée pour nous-mêmes. Ces différences nourrissent la réflexion et permettent de remettre en perspective sa propre lecture.

Au-delà de l’aspect technique, il y a aussi un bénéfice émotionnel. Prendre le temps d’encourager, de proposer une méthode ou de partager son expérience renforce la confiance en soi et crée une dynamique de groupe bienveillante et engagée.

Grimper avec des personnes plus expérimentées : l’inspiration sans la pression

À l’opposé, grimper avec des personnes plus expérimentées peut générer un autre type d’inconfort : la peur de ne pas suivre, de ralentir le groupe ou d’être « le maillon faible ». Pourtant, ces personnes peuvent être vues comme des sources d’inspiration. Leur manière de lire une voie est souvent plus fluide et précise, leur audace les pousse à essayer des méthodes moins évidentes, et leur gestion du stress, de la chute ou de la fatigue peut nous inspirer.

Grimper avec elles et prendre le temps de les observer, peut ouvrir de nouvelles façons d’aborder les voies. Toutefois, il est essentiel de ne pas se laisser aspirer par une logique de performance. Si l’écart de niveau est trop important ou si la pression devient trop forte, il faut oser le dire. L’objectif est d’apprendre dans un cadre sécurisant, pas de se rabaisser.

L’équilibre : accueillir sa place sur le mur

Grimper avec des personnes de niveaux variés, c’est apprendre à s’écouter et à accepter là où l’on est. Une journée passée à grimper des voies plus simples peut être aussi riche et épanouissante qu’un projet ambitieux, à condition d’y mettre de l’intention.

On peut progresser sans toujours chercher à « pousser son niveau » et simplement profiter d’une bonne session. On peut aussi être d’un grand soutien pour les autres, même si l’on n’est pas la personne la plus forte du groupe. Il est également possible de s’inspirer de quelqu’un qui grimpe moins fort mais qui chute avec grâce, se relève avec humour, ou explore des voies auxquelles on n’aurait jamais prêté attention.

Et surtout, il est essentiel de se rappeler que nous avons toutes et tous notre place dans une session d’escalade.

Cultiver une estime de soi solide en escalade

L’estime de soi, ce n’est pas se sentir supérieur·e aux autres, mais se sentir capable et légitime, quel que soit son niveau. Elle se nourrit à la fois de nos réussites et de notre capacité à accueillir les difficultés avec curiosité.

Pour l’entretenir, il est important de valoriser le chemin parcouru plutôt que de se focaliser uniquement sur les cotations. S’entourer de personnes bienveillantes et variées permet de se sentir soutenu·e et motivé·e. Célébrer les essais, les chutes et les déclics est tout aussi essentiel que de fêter les réussites. Enfin, il faut se rappeler que notre niveau de grimpe ne nous définit pas.

Travailler son mental et dépasser ses limites

L’escalade ne se joue pas seulement dans les muscles, elle se gagne aussi dans la tête. Bien souvent, ce n’est pas notre force qui nous bloque, mais notre peur : peur de tomber, de rater, de décevoir ou de ne pas être « assez ».

Le travail mental en escalade consiste à apprivoiser ces émotions pour rester concentré·e et engagé·e dans l’action. Cela passe par la visualisation et la lecture de voie, en prenant le temps d’imaginer la voie dans les moindres détails et de visualiser chaque mouvement avant même de le réaliser. La respiration joue aussi un rôle crucial, car elle permet de calmer le stress et de retrouver de la fluidité dans des passages délicats.

L’acceptation de la chute est un autre élément clé. En s’entraînant à faire volontairement des chutes, on apprend à réduire la peur et à renforcer la confiance, aussi bien envers son assureur qu’envers soi-même. Enfin, le dialogue intérieur est essentiel : remplacer des pensées négatives comme « Je vais échouer » ou « Je ne suis pas à la hauteur » par des phrases encourageantes et réalistes comme « J’essaie », « Je progresse » ou « Ce mouvement est un défi » transforme notre approche.

Le dépassement de soi ne se limite pas à enchaîner une cotation plus dure. Il peut s’exprimer en osant se lancer dans une voie qui nous intimide, en tentant un mouvement qui nous paraissait impossible la veille, en acceptant de tomber plusieurs fois sans renoncer, ou en grimpant en tête malgré la peur. Chaque petit pas au-delà de notre zone de confort nourrit la confiance et la résilience.

C’est un processus qui demande du temps et de la bienveillance envers soi-même. Le mental, tout comme le physique, se travaille et se renforce grâce à l’expérience et aux essais répétés.

En conclusion

Grimper avec des personnes de niveaux différents, c’est accepter d’être en mouvement : parfois guider, parfois suivre, parfois douter… et toujours apprendre.

C’est un terrain riche pour développer sa technique, sa lecture de voie et sa posture intérieure. Le niveau ne dit pas tout. Une personne très expérimentée peut être déstabilisée par un style qui ne lui convient pas ou par une cotation qui lui résiste, tout comme une personne débutante peut exceller dans la gestion de la peur ou la lecture d’une voie complexe.

La diversité des niveaux, des corps et des approches est ce qui rend une session d’escalade si précieuse. La prochaine fois que vous vous retrouverez dans un groupe aux niveaux inégaux, choisissez de voir cette situation non pas comme une contrainte, mais comme une opportunité. Une chance d’apprendre autrement, de partager, de s’observer et, pourquoi pas, de renforcer son estime de soi et celle des autres.

– Agathe de Barochez

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